Hacked By Awad Sahar

à propos de "à suivre"



… à suivre… *

par Gaëlle Assier

« Ce qui était frappant, c’était avec quelle facilité des gens qui n’avaient jamais vu de films regardaient et interprétaient les images. Nulle trace ici du syndrome du train entrant en gare de La Ciotat. D’une certaine manière, ils n’étaient pas dupes, l’espace et le temps reconstruits ne leur faisaient pas penser à l’espace et au temps réels, mais à celui des rêves. Il y avait discontinuité et ordonnancement. En effet, les ruptures des plans, l’enchaînement d’espaces différents, tout éloignait le film du réel. Pourtant, ces images qu’ils voyaient parlaient d’un réel. Ils ne doutaient pas de son existence. Simplement, ils disaient n’en voir qu’une représentation. Et dans toute culture, la pensée magique est au centre de ce rapport du réel et de sa représentation. Les images parlent aux images et parlent des images. Notre cinéma était analysé comme une hallucination, et les indiens ont compris qu’il avait la même fonction de médiation. »

Patrick Deshayes, (Lien) anthropologue, cinéaste, in « Une expérience de feed back chez les Indiens Huni Kuin » Ouvrage collectif « Demain, le cinéma ethnographique ? », collection Ciném’action, Editions Corlet Télérama, 1992.

Interrogeant le statut de la télévision et celui de la matière télévisuelle, frédéric dumond inscrit, de facto, sa réflexion dans le champ de l’anthropologie visuelle, timide discipline qui émerge avec le cinéma des explorateurs au sein d’une science, l’anthropologie, profondément littéraire et hostile, et pour qui l’anthropologie en images est rapidement sommée de se définir comme matière ou écriture, de faire ses preuves. en anthropologie visuelle, une expérience encore possible a lieu : la société de l’image en Occident est analysée, puis partagée avec les derniers peuples iconographiquement épargnés. En parallèle, le désir de créer une image, représentation du monde possiblement inaltérée embarque ensemble artistes, auteurs, cinéastes et anthropologues, trente ans après le manifeste de Vigo sur le cinéma social.

A contrario, prétextant le coût de la qualité et son supposé élitisme, les dirigeants de la télévision font de cet objet industriel une entreprise d’images-en-soi, où domine la médiocrité. Les portes fermées de la télévision aux penseurs de l’image ont généré l’impensable : priver les individus des pensées du visuel. Puisque la télévision ne produit pas de pensée, elle est pensée par d’autres ; artistes, auteurs ; anthropologues ; documentaristes spectateurs. Reprenant des œuvres « historiques » de l’art vidéo, multipliant les matières et les regards, ouverte et alerte, L’exposition Télémétries permet de remettre la pensée à sa place, dans le dialogue des formes et des idées, au travers d’images sensées puisque pensées. La programmation proposée est une extension de l’exposition, ancrée dans l’écriture ou le dispositif documentaire.

* Cette programmation, pensée par Gaëlle Assier, est conçue comme une suite d’extensions du texte écrit par frédéric dumond dans le catalogue de l’exposition. Chaque moment du programme est ainsi mis en regard avec des fragments du texte (en italique et en retrait).